L'enjeu crucial de la thérapie : le lien thérapeutique.
La thérapie, dans son essence, s'appuie sur un élément vital : le lien thérapeutique.
C'est une exploration intérieure, un travail sur soi
La psychothérapie est un voyage, une exploration intérieure qui nécessite courage, volonté et confiance. Cette confiance, fondamentale dans le processus thérapeutique, est celle qui se tisse entre le patient et son thérapeute. Elle est le fil d'Ariane qui guide le patient dans le labyrinthe de ses émotions, de ses souvenirs, de ses peurs. C'est cette confiance qui permet au patient de se dévoiler, de se découvrir, de s'accepter.
C'est un lien à construire même quand le patient ressent un transfert négatif
Cependant, la confiance, ce lien si fragile et pourtant essentiel, n'est pas toujours aisée à établir, surtout lorsque le patient, en quête de soutien et de compréhension, éprouve un transfert négatif envers son thérapeute, un phénomène complexe et déroutant, bien connu dans le champ de la psychanalyse, qui peut se muer en un obstacle majeur, une véritable montagne à franchir, dans le processus de guérison, ce chemin tortueux vers le mieux-être.
Le transfert un outil précieux pour la thérapie
Mais il peut aussi, paradoxalement, se révéler être un outil précieux, une clé ouvrant de nouvelles portes, pour le thérapeute, et représenter un pas important, un jalon marquant, dans le cheminement du patient, cette personne en questionnement constant. C'est dans ces moments que remontent des aspects importants du patient qui ont parfois été mis de côté, déniés, refoulés. Cela suppose qu'il se sente suffisamment en confiance pour pouvoir exprimer ce qu'il ressent envers le thérapeute.
le transfert en psychanalyse
Qu'est-ce que le transfert ?
Selon Jean Didier Nasio, psychiatre et psychanalyste, le transfert est une résonance de la répétition, une assertion qui trouve son écho dans toutes les interactions thérapeutiques. Il s'agit d'une migration, une transposition d'un individu à un autre. En psychanalyse, cependant, le transfert prend une dimension différente. C'est le voyage d'un lieu à un autre, une traversée temporelle du passé au présent. Le passé refait surface, se manifestant par le biais du comportement du patient envers son psychanalyste.
Le patient, lors d'une séance, transporte une émotion, un sentiment affectif, un fantasme du passé, qui s'incarne dans le présent. C'est une résurgence d'une expérience passée qui se métamorphose en une réalité présente. Les figures du passé peuvent ainsi se projeter sur le psychanalyste, comme des ombres qui s'étirent à travers le temps. Le transfert peut être positif ou négatif.
Que dit Freud sur le transfert
Freud, fondateur de la psychanalyse, affirme dans son texte Remémoration, répétition et perlaboration (1914) : "Nous observons bientôt que le transfert n’est lui-même qu’un fragment de répétition et que la répétition est le transfert du passé oublié, non seulement à la personne du médecin mais aussi à tous les autres domaines de la situation présente. Il faut donc nous attendre à ce que le patient cède à la compulsion à la répétition qui a remplacé l’impulsion au souvenir et cela non seulement dans ses rapports personnels avec le médecin, mais également dans toutes ses autres occupations et relations actuelles et quand, par exemple, il lui arrive au cours du traitement de tomber amoureux, de se charger d’une tâche quelconque ou d’entreprendre quelque chose. Là encore, le rôle de la résistance est aisément reconnaissable. Plus la résistance sera grande, plus la mise en actes (la répétition) se substituera au souvenir."
Qu'est-ce que le transfert négatif ?
Le transfert négatif est une réaction émotionnelle du patient envers son thérapeute, basée non pas sur la réalité présente, mais sur des expériences passées. Le patient projette sur son thérapeute des sentiments négatifs qu'il a éprouvés envers des personnes significatives dans sa vie, souvent des figures parentales. Le thérapeute devient alors le réceptacle de ces émotions, ce qui peut entraver la relation thérapeutique.
Le transfert donne des pistes de travail
Cependant, le transfert négatif n'est pas nécessairement un obstacle insurmontable comme vu précédemment. Au contraire, il peut être une occasion pour le thérapeute d'aider le patient à identifier et à comprendre ses schémas émotionnels répétitifs. En travaillant sur ces émotions transférées, le patient peut progressivement apprendre à les reconnaître, à les exprimer et à les gérer de manière plus saine. Freud (à l'origine de la psychanalyse) affirme dans son texte (1912) la dynamique du transfert que « Lorsque nous « supprimons » le transfert en le rendant conscient nous écartons simplement de la personne du médecin ces deux composantes de la relation affective ; l’élément inattaquable, capable de devenir conscient, demeure et devient, pour la psychanalyse, ce qu’il est pour toutes les autres méthodes thérapeutiques : le facteur du succès. »
Le patient est capable ou non de le surmonter en fonction de la confiance qu'il porte à son analyste (et/ou à ses premiers objets d'identification)
Toutefois, travailler avec le transfert négatif demande une grande habileté de la part du thérapeute. Il doit être capable de maintenir une position neutre, de ne pas réagir de manière défensive ou personnelle aux sentiments négatifs du patient. Il doit également être capable de créer un espace sécuritaire où le patient peut explorer et exprimer ses émotions sans crainte de jugement ou de rejet.
Ce que le patient ne se doute pas
Malheureusement, il est fréquent de constater qu'un patient interrompt sa thérapie ou change de thérapeute sans avoir analysé la relation de transfert et de contre-transfert qui appartient au thérapeute. Le contre-transfert est la réaction du thérapeute, ses manquements éventuels, qui doivent être analysés de son côté en supervision, pour aider le patient à comprendre ce qui s'est joué dans la relation, en comprenant ce qui s'est passé en lui, et pourquoi avec tel ou tel patient.
Cette analyse permet de comprendre les dynamiques déjà mises en jeu dans la vie du patient, ce qui se rejoue pour casser la répétition pathologique. C'est une matière riche à explorer, pour permettre au patient de progresser. Encore une fois, à la condition que l'analyste analyse ce qui se joue avec l'analysant.
Le transfert positif ou sentiment amoureux envers son thérapeute
Il se peut parfois que le patient développe une affection profonde pour son analyste. Toutefois, l'analyste, conscient de cette possibilité, comprend que cela symbolise une image rémanente de l'enfance du patient. Lorsque le patient exprime ses sentiments, le rôle du thérapeute devient crucial : il doit décortiquer cet amour naissant, afin d'accompagner son patient dans la compréhension de son propre mécanisme d'attachement, ses désillusions, ses idéaux et ses fantasmes, dans le but ultime de les résoudre. Malheureusement, certains praticiens négligent volontairement cette démarche essentielle qui permettrait à l'individu de parvenir à une autonomie émotionnelle, à une liberté authentique. Ces thérapeutes manipulent le transfert pour instaurer une dépendance affective, allant parfois jusqu'à entretenir des relations intimes avec leurs patient(e)s. C'est, sans aucun doute, une faute professionnelle de la part du thérapeute, un manque de déontologie et un abus de confiance et de faiblesse.
La confiance : pilier de la thérapie
La confiance est un pilier de la thérapie. Sans elle, le patient peut se sentir vulnérable, exposé, en danger. Il peut se fermer, se protéger, se défendre. C'est pourquoi le thérapeute doit s'efforcer de créer un environnement de confiance, où le patient se sent en sécurité pour explorer ses émotions, ses pensées, ses comportements.
La confiance se construit peu à peu, à travers les interactions entre le patient et le thérapeute. Elle se nourrit de l'écoute attentive du thérapeute, de sa compréhension, de son empathie. Elle se renforce lorsque le patient se sent entendu, compris, accepté tel qu'il est.
La confiance est dans les deux sens
La thérapie suppose un lien de confiance mutuel. Un voyage qui peut être semé d'embûches, de défis, de peurs. Mais c'est aussi un voyage qui peut être riche de découvertes, de transformations, de croissance. Un voyage qui permet au patient de se connaître mieux, de comprendre ses émotions, ses comportements, ses relations. Un voyage qui lui permet de se libérer de ses souffrances, de ses blocages, de ses peurs. Un voyage qui, malgré les difficultés, peut être source de joie, de liberté, de réalisation de soi.
Ainsi, malgré les défis que peut poser le transfert négatif, voire le contre-transfert de l'analyste qu'il doit travailler en supervision, la thérapie reste un processus profondément humain, basé sur la relation, la confiance, l'empathie. C'est cette humanité, cette capacité à se connecter à l'autre, à ressentir, à comprendre, qui fait la force et la beauté de la thérapie.